L'ADMINISTRATION DU RAMESSEUM : DE LA
GLOIRE A LA DECADENCE D'UN TEMPLE DE MILLIONS D'ANNEES;
DES FONCTIONNAIRES AU SERVICE DE L'INSTITUTION ROYALE
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Le Ramesseum |
Quelques dignitaires | Plan général |
Depuis
la XIIIème dynastie, période qui semble correspondre à
leur apparition, les temples de millions d'années ont connu une
évolution significative jusqu'à l'époque ramesside et même un peu
au-delà puisque les derniers exemples recensés sont contemporains
de la XXIIème dynastie. Mémoriaux à fonction
liturgique, mais aussi centres économiques et administratifs, ils se
sont développés tout au long de la vallée, certains même furent
construits en Nubie et au Soudan. Bien que ces monuments aient été
pendant trop longtemps perçus simplement comme des temples
funéraires, de récentes recherches ont enfin clairement démontré
que leur vocation initiale était surtout associée à la
divinisation royale, celle-ci pouvant être proclamée durant le
règne du souverain, sans attendre sa métamorphose en Osiris-roi ou
sa transfiguration dans l'autre-monde (1). À l'occident de Thèbes, plusieurs de ces temples ont été construits durant le Nouvel Empire. Certains plus grandioses que d'autres, suivant la durée de règne de leur bâtisseur, la prospérité du royaume, voire les événements plus ou moins providentiels ou turbulents du moment. À en juger par son étendue initiale, celui d'Amenhotep III fut incontestablement le plus développé de ceux qui existaient à la XVIIIème dynastie, bien qu'il soit aujourd'hui l'un des plus ruinés (3). Pour l'époque ramesside, ceux de Ramsès II et de Ramsès III, beaucoup mieux préservés, présentent l'avantage de pouvoir se compléter : si celui de Medinet Habou a conservé la presque totalité de son architecture de pierre, symbole d'exaltation du pouvoir royal, le Ramesseum dispose, même s'il a souffert de démantèlements au fil des siècles, de presque toutes ses dépendances en brique crue où se déroulait une grande partie des activités associées à son fonctionnement. Venant en complément des fouilles archéologiques effectuées dans son enceinte ces dernières années, l'étude des sources documentaires permet aujourd'hui de reconstituer, même si ce n'est encore que partiellement, les dispositifs mis en place par l'institution royale, pour garantir la bonne marche du «Château d'Ousermaâtrê Setepenrê» et promouvoir sinon maintenir son rayonnement à l'échelle de la ville ou du nome (4). |
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Œuvre de deux célèbres «conducteurs de travaux», Penrê et Ameneminet (5), le Ramesseum occupait, au temps de sa splendeur, un espace de près de dix hectares, entre les temples d'Amenhotep II au nord, et de Thoutmosis IV, au sud. Son administration devait être très structurée comme le suggèrent déjà les différentes fonctions qui répondent à une hiérarchie où coexistent de nombreux grades et échelons allant d'une autorité locale nommée par le roi à tout un ensemble d'employés et de personnel subalterne, chacun devant assumer les responsabilités de sa charge dans les rouages de l'organisation temporelle. |
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les Hauts Dignitaires:Les gouverneurs du Château Penrê Ameneminet |
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Le «gouverneur du château» avait l'éminente position de diriger la fondation royale. Il n'était pas nécessairement recruté sur place, mais pouvait venir d'une autre ville et séjourner dans le cadre de missions d'inspection. Tel fut le cas, par exemple, du memphite Ramsesnakht qui occupa ce poste dans la première partie du règne. D'autres distingués notables prirent le relais, comme Hori, Nebsoumenou (TT.183), Horemheb, Naherhou, Ameneminet (homonyme du «conducteur de travaux»), Nedjem, peut-être encore Khaemtery, sans oublier que des fonctionnaires qui n'étaient pas de souche égyptienne, comme le général Ourkhiya et son fils Youpa, d'origine probablement hourrite, en furent également titulaires. Le plus souvent, cet intendant principal, ou son substitut le cas échéant, cumulait cette lourde charge avec celle de «directeur du Trésor». Tia, beau-frère de Ramsès II, l'avait exercée sans doute peu de temps après l'inauguration du temple. On peut imaginer que son office se trouvait dans le quartier nord-ouest du Ramesseum, non loin d'un long bâtiment à colonnes, qui fut identifié pour être le Per-Hedj ou Trésor. S'il n'a laissé aucun témoignage sur place, son image avait été reproduite en revanche, accompagnée de son nom et de sa qualité, sur une grande stèle brisée et remployée dans le temple de Deir el-Bahari (6). Elle provenait certainement du mémorial de Ramsès II. Pour accomplir ses tâches, ce dignitaire avait tout un réseau de collaborateurs à sa disposition. Les archives nous ont conservé les noms de plusieurs d'entre eux, chefs, scribes ou délégués du Trésor, tels Paytenheb, Amenemheb, Paqay, Paÿ, Amenemipet (TT.374), et un certain Mahou (TT.257), dont la fonction peut laisser supposer qu'il était également rattaché à cette administration. |
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Amenemipet,
TT177, Scribe Royal |
Tia,
fragments de stèle retrouvés à Deir-el-Bahari |
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Ourkhiya, grand intendant |
et son fils Youpa, grand intendant(Turin) |
Stèle de Youpa, musée du Louvre |
Dépositaire de richesses considérables qu'il fallait réceptionner, enregistrer, protéger, voire écouler lors de la célébration des rituels religieux mais aussi pour la rétribution du personnel au service de l'institution, le temple était un véritable satellite économique du pouvoir central et une forteresse maintenue sous haute surveillance. Des scribes permanents y avaient qualité de régisseurs, comme Djehoutyherhesef, Amenemipet (TT.177), Iry, Pentaouret et Sedy, ces deux derniers bien après la mort de Ramsès II. L'armée comme la police y étaient également présentes, sans doute pour régenter la conscription locale, éviter toute corruption et régler les litiges qui pouvaient survenir au sein de la fondation. Plusieurs scribes de l'armée sont attestés (Neboua, Aboumeret, Hormenou), de même qu'un scribe des recrues (Nebmehyt, TT.170), tous placés certainement sous l'autorité de l'administrateur du temple qui, lui-même, était souvent détenteur d'une haute fonction militaire. Un corps de policiers et d'inspecteurs, composé de Pakharou, Neferhotep et de bien d'autres encore, devait y assurer l'ordre, et un tribunal (kenbet) dont on n'a pas retrouvé jusqu'ici l'emplacement intra muros, avait à juger les exactions, désaccords ou conflits qui, au fil du temps, intervenaient entre certains employés et l'administration. Probablement est-ce dans ce service juridique que devait officier Piaÿ et, plus tard encore, sous le règne de Ramsès III, Hednakht, scribe de la natte (ou plutôt du cadastre) (7). Monde clos en apparence, le Ramesseum était néanmoins en relation permanente avec les responsables du pouvoir central comme le vizir du sud et ses délégués (8), ou encore avec les autorités de Thèbes, qu'il s'agisse du maire ou gouverneur de l'occident de la ville (9), voire des scribes du nome qui avaient à conduire les affaires concernant cette partie du territoire (10). |
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Khaÿ directeur du trésor, scribe, royal... |
TT 341 Resemhebsed frère de Nakhtamon "supérieur de l'autel, chef des bouchers de la maison d'Ousermaatrâ-Setepenrâ" |
Tombe de Narkhtamon déformation du crâne inhabituelle |
Dans l'enceinte du temenos, autour de l'édifice réservé aux cultes et aux liturgies, l'espace était occupé par tout un ensemble de bâtiments en brique crue. Au nord et à l'ouest, se tenaient les magasins pour l'huile, le vin, les céréales, les graisses, le miel et divers autres produits et denrées qui convergeaient des domaines royaux ou étaient mis en jarres sur place. Des officines où l'on conservait des matières précieuses, ou l'on préparait des substances aromatiques, se trouvaient encore dans ce quartier du temple ainsi que le laissent deviner certains indices. Là encore, tout un personnel accomplissait son travail, en fonction d'une stricte hiérarchie. Il y avait les responsables des magasins, les directeurs des greniers et des celliers qui, comme Piaÿ (TT.263) et Saaset disposaient d'adjoints pour contrôler et consigner les arrivages et les sorties de produits. Ramsesemperrê et Horimès, que les sources désignent comme étant des chefs-gardiens, eurent ce rôle d'intendants, le deuxième ayant été plus précisément rattaché au Trésor. Affectés à des secteurs sensibles qui touchaient l'économie, ils avaient eux-mêmes d'autres hommes sous leurs ordres, comme ce Penrenenoutet «de Thèbes», «gardien du château de millions d’années», que mentionne et représente un ex-voto jadis découvert par W. Flinders Petrie. Sur la stèle BM 796 du British Museum, Horemhat, Soutymès, Neferrenpet, Nakhtouemouaset, Khonsou, Ptahemheb et quelques autres encore, occupaient probablement aussi cette même activité au Ramesseum, sous la tutelle de leur supérieur, Ramsesemperrê (11). |
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Côté sud, prenaient place les ateliers, les cuisines, les boulangeries,
un économat, et même une école dont les ruines ont été
fouillées et restaurées après avoir livré une documentation
archéologique qui confirme la vocation des lieux. On sait qu'un certain
Samout et notamment son fils, Amenwahsou
(propriétaire
de la TT.111)
comme certains de ses enfants, furent en poste dans cet établissement,
en qualité de scribes de la «Maison de Vie» et des archives sacrées du
Ramesseum. Ils y enseignaient l'écriture hiératique et hiéroglyphique,
la rédaction de sagesses et de préceptes moraux, mais également le dessin et
la sculpture, et
formaient ainsi les «scribes des contours» à
leur futur métier (12). C'est dans ces quartiers qu'opéraient encore de
nombreux travailleurs, soit dans l'artisanat de la pierre et des métaux
ou dans les ateliers de
tissage que dirigeait Neferrenpet (TT.133),
soit encore dans deux grandes
unités pourvues de fourneaux, où
cuisiniers, bouchers et marmitons, sous l'autorité de Nakhtamon
(TT.341), chef des autels du temple et de Resemhebsed, supérieur
des
bouchers, préparaient pains, galettes, gâteaux, et autres denrées
rôties ou grillées, destinés à nourrir les dieux-résidents et la
communauté qui était à leur service. L'approvisionnement en eau était
assuré par un fonctionnaire spécifique et Houy, comme nous le révèle
une statuette mise au jour à Deir Rifeh, en avait été responsable
durant une partie du règne de Ramsès II. Des fouilles anciennes avaient
identifié l'existence de plusieurs puits dans l'enceinte du temenos,
mais l'eau alimentait également, par des canaux, les vastes et
luxuriants jardins du temple que supervisait Nedjemger (TT.138) et ses
subordonnés. Situés à la lisière nord-est du parvis, on y cultivait,
près d'un bassin, des fleurs pour orner les tables d'offrandes. Des
palmiers-dattiers ainsi que des sycomores en agrémentaient les espaces
ombragés que l'on irriguait au moyen des chadoufs. Comme à Medinet
Habou, proche du débarcadère et du quai d'accès du Ramesseum, devait
vaquer toute une équipe de bateliers et de matelots, chargée
d'arraisonner les chalands et de décharger les produits ou matériaux
que l'on réservait aux différentes officines. |
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Le palais royal qui communiquait avec la première cour du
temple, disposait d'un personnel d'intendants, de serviteurs et de
gardiens (13) qui avait à entretenir les lieux et leurs dépendances
composées d'appartements privés où le souverain et les membres de sa
famille pouvaient se retrouver lors de séjours temporaires à Thèbes,
notamment à l'occasion de fêtes solennelles. Il ne s'agissait pas d'un
lieu de résidence, mais bien plus d'un édifice à caractère officiel, où
se tenaient réceptions et audiences, et parfois des cérémonies
destinées à honorer les plus fidèles et dévoués dignitaires du royaume.
En façade, une «fenêtre d'apparition» donnant sur la cour permettait de
rendre publiques certaines manifestations. Un quartier mitoyen,
récemment dégagé, où se trouve un complexe comprenant pas moins d'une
dizaine de salles, constituait peut-être une annexe à ce palais, à
moins que le secteur ait été plutôt réservé à un corps de
l'administration du Ramesseum, voire éventuellement au logement de
certains de ses fonctionnaires. |
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Depuis l'extérieur, l'accès au temple proprement dit et à ses divers quartiers se faisait par des portes cérémonielles ou de service. Là encore, un personnel était chargé de surveiller ces accès qui étaient confiés à des portiers. Si l'on ignore à combien s'élevait exactement leur effectif, deux de ces employés nous sont néanmoins connus : l'un, Mesou, fils de Neferhotep, d'après une inscription de la tombe TT.6 de Deir el-Medineh ; l'autre, Kyiry, attesté par un graffito de la tombe TT.51 (Ouserhat). Tous deux avaient, sans doute avec d'autres de leurs compagnons, cette mission quotidienne de garder les portes du Château d'Ousermaâtrê Setepenrê. On sait que beaucoup plus tard, en l'an 29 de Ramsès III, c'est près de l'une de ces entrées, la porte sud, que des artisans démunis de la Set Maât vinrent manifester pour obtenir leurs rations alimentaires qui n'avaient pas été versées depuis des décades par l'institution royale (14). Cet événement suggère, en l'occurrence, que près de soixante ans après la mort de Ramsès II, le Ramesseum entretenait toujours une activité. |
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reproduction de David Roberts en 1839 |
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En plus de ses dépendances intra-muros, la fondation royale était également propriétaire de domaines agricoles, de jardins, de cheptels, d'écuries et d'étables dont plusieurs se trouvaient sur le territoire thébain, tandis que d'autres, comme les vignobles et les oliveraies par exemple, étaient situés à des centaines de kilomètres au nord. L'huile d'olive produite sur l'un des domaines de «Soleil des Princes», colosse de Ramsès II divinisé qui se dressait dans la première cour, provenait notamment du Delta. Les livraisons de vin, boisson surtout consommée pendant les fêtes et qui ne pouvait être conservée longtemps, parvenaient aussi, en grande partie, de cette région réputée pour sa viticulture. La «grande statue du roi de Haute et Basse Égypte Ousermaâtrê Setepenrê» (toujours celle du Ramesseum) y avait d'ailleurs des vignobles, ainsi que le rappellent quelques étiquettes de jarres retrouvées à Deir el-Medineh (15). Dans le nome de Ouaset, des fonctionnaires, comme Ptahemouia, Bakenamon, Parêemheb, Panefer et Meryptah géraient les cheptels de bêtes à cornes et les troupeaux que possédait le Château de Ramsès II. Les animaux étaient marqués au fer au nom du temple, moyen qui permettait de suivre une scrupuleuse comptabilité des élevages et, dans certains cas, de reconnaître des vols. C'est ainsi que sous le règne de Ramsès III encore, le seizième jour du premier mois de la saison d'été de l'an 29, un certain Pentaour et son compagnon Ouserhat, furent interpellés par la police pour avoir pris un boeuf «qui était marqué au fer du Château d'Ousermaâtrê Setepenrê» (16). D'autres exploitations, jardins et fiefs, que ceux attenants au temple, sont attestés par une série de documents qui mentionnent notamment leurs responsables. L'un de ces domaines, identifié pour être les «Eaux de Rê» et situé dans le nord du royaume, fut placé sous l'autorité de Kaï, Amenmès, Kes et Tcha[nefer]. «La Grande Terre Irriguée», un célèbre vignoble dont les sources indiquent qu'il se trouvait dans Ka-en-Kemet, fut administré par Djehoutymès, Baï et Ken (ou Kem), chacun ayant qualité de «chef des viticulteurs (ou des vignerons)» (17). Quant aux écuries royales, dont tout laisse à penser que l'une d'entre elles était proche du temple, sinon installée dans l'un des angles de son parvis comme à Medinet Habou, les archives demeurent jusqu'à présent silencieuses à leur sujet. |
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Outre
sa hiérarchie administrative et économique, le Ramesseum avait sa
propre organisation religieuse, composée d'un clergé dont les
membres cumulaient parfois leurs charges sacerdotales avec d'autres,
au sein même du temple ou dans le domaine d'Amon. Il n'était pas
rare non plus que certains responsables ou prêtres de Karnak
interviennent dans les affaires, notamment lorsqu'il s'agissait
d'organiser les grandes fêtes divines qui prenaient place sur la
rive occidentale. Le premier pontife de Karnak, intronisé par
l'oracle, avec l'appui du roi, entretenait sans doute une relation
continue avec les grands prêtres, tels que Ountaouat, Piaÿ,
Amenwahsou, et bien d'autres encore, qui se succédèrent à la tête
du temple de millions d'années de Ramsès II. Pour les besoins du
culte journalier, mais aussi des divers rituels et fêtes qui
rythmaient l'année, le premier pontife avait tout un personnel à sa
disposition : des officiants de haut rang, mais aussi des ritualistes
(Amenemipet, Ramsès-Meryamon, Ousermontou), des pères-divins, des
prêtres-sem et des prêtres-ouab, dont le supérieur de la
corporation fut, à un moment donné du règne, un certain Bakenkhonsou,
affecté plus particulièrement au service du dieu
Ptah. Pour ponctuer les liturgies, musiciennes ou musiciens, chantres
et chanteuses (Bakensekhmet, Nesoutniout, Raïa, Neferaha,
Taysneferet) sous la direction d'un chef, complétaient cet
organigramme de fonctions. |
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Selon le calendrier des fêtes du Ramesseum, démantelé de nos jours mais dont nous connaissons de nombreux fragments réutilisés tardivement à Medinet Habou (19), de grandes liturgies venaient rompre la monotonie du quotidien. Qu'il s'agisse des fêtes que l'on réservait à Sokaris, à Min, à Nehebkaou, à Amon-Rê lors de sa Belle Fête de la Vallée, de celle qui célébrait le nouvel an, ou que l'on destinait au roi pour honorer son nouveau jubilé, toutes étaient l'occasion de fastueuses réjouissances qui duraient plusieurs jours, voire des semaines, et occupaient fébrilement toutes les équipes du personnel. Les préparatifs demandaient alors d'embellir ou de restaurer les espaces du temenos, de pavoiser les pylônes d'oriflammes, de ravitailler les magasins en denrées, vin et bière, mais également en encens et baumes odoriférants, et de réglementer dans ses moindres détails le déroulement des processions, liturgies et cultes. La Belle Fête de la Vallée de même que celle dédiée à Sokaris étaient parmi les plus solennelles et nécessitaient que le long cortège où prenait place la nef divine, suivie des barques portatives sorties de leurs chapelles, empruntent depuis le parvis les majestueuses voies bordées de chacals ou de sphinx, qui entouraient le temple, avant de rendre visite aux mémoriaux et sanctuaires voisins (20). De telles manifestations, que pouvait présider le souverain en personne, supposaient que le haut clergé de Karnak soit présent ainsi que les grands du royaume. Sur place, c'était aussi pour la population locale et notamment les familles d'artisans de Deir el-Medineh, un temps de repos, de ferveur et de liesse, qui effaçait provisoirement dans la gaité et la bonne humeur partagées, les soucis et les lourdes fatigues de tous les jours ouvrés. |
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Durant
le long règne de Ramsès II, le Ramesseum rayonna sur tout
l'occident de Thèbes. Ses activités, intimement associées à
l'histoire du nome, en constituèrent une composante administrative,
économique et religieuse non négligeable, comme ce fut plus tard le
cas pour le temple de Ramsès III à Medinet Habou. Vint cependant le
temps où ce mémorial comme bien d'autres, fut affecté par la
dégradation des rouages de l'institution royale, par les désordres
répétés et causés par une moindre prospérité, par une
insécurité grandissante, bref par autant de circonstances qui
entraînèrent le royaume, mais peut-être plus la région, vers une
irrémédiable crise de société dont l'issue conduisit à
l'anarchie. Si, durant une bonne partie du règne de Ramsès III, le
Ramesseum conserva encore son rôle de centre administratif, comme le
suggère notamment le fait que certaines autorités, comme le
gouverneur Piaÿ, y avait un office pour traiter les affaires de
l'occident de la ville (21), et pouvait encore répondre à
certains besoins économiques dans un contexte qui devenait pourtant
de plus en plus difficile à maîtriser, il fut néanmoins touché à
son tour par les événements qui assombrirent la fin du règne du
fils de Sethnakht. Christian
LEBLANC Directeur de Recherche Émérite au CNRS Directeur
de la Mission Archéologique Française de Thèbes-Ouest (UMR
8220/LAMS-CNRS/UPMC). Le site du Ramesseum |
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NOTES (1)
Cf. G. Haeny, «Zur Funktion des "Häuser für Millionen
Jahre"», Ägyptische
Tempel-Struktur, Funktion und Programm, HÄB
37, Hildesheim, 1994, pp. 101-106 ; J. J. Haring, Divine
Households, Egyptologische
Uitgaven
XII, Leiden, 1997 ; Chr. Leblanc, «Les temples de millions
d’années : une redéfinition à la lumière des récentes
recherches. De la vocation religieuse à la fonction politique et
économique», Actes du
Colloque international sur les temples de millions d’années et le
pouvoir royal à Thèbes au Nouvel Empire, Louqsor 3-5 janvier 2010,
dans Cahier
Supplémentaire des Memnonia,
n° 2, Le Caire, 2010, pp. 19-57 ; S.
Schröder, Millionenjahrhaus
Zur Konzeption des Raumes der Ewigkeit im konstellativen Königtum in
Sprache, Architektur und Theologie,
Wiesbaden, 2010. (2)
Cf. Chr. Leblanc, «Quelques réflexions sur le programme
iconographique et la fonction des temples de millions d'années», The Temple in
ancient
Egypt. New discoveries and recent research,
Stephen Quirke éd., British Museum Press, Londres, 1997, pp. 49-56.
Voir encore Memnonia
VIII, 1997, pp. 93-105. (3)
Cf. H. Ricke (†), G. Haeny et L. Habachi, Untersuchungen
im Totentempel Amenophis’III. BÄBA
11, Wiesbaden, 1981 ; H. Jaritz, «Kom el-Hettan. Le plus vaste de
tous les sanctuaires», Les
Dossiers Histoire et Archéologie,
n° 136, Dijon, 1989, pp. 46-49 ; H. Sourouzian, «The Temple of
Millions of Years of Amenhotep III : Past, Present and Future
Perspectives», Cahier
Suppl. des Memnonia,
n° 2, 2010, pp. 91-98. Pour la récente bibliographie sur ce temple,
cf. Cahier Suppl. des
Memnonia, n° 2, pp.
29-30. (4)
M. Nelson, «Les fonctionnaires connus du temple de Ramsès II.
Enquête à partir des tombes thébaines», Memnonia
I, 1991, pp. 127-133 ; M. Nelson, «Les fonctionnaires du Ramesseum»,
dans Chr. Barbotin et Chr. Leblanc, Les
monuments d'éternité de Ramsès II. Nouvelles fouilles thébaines,
Paris 1999, pp. 58-62 ; Chr. Leblanc, G. Lecuyot et M. Maher-Taha,
«Documentation, recherches et restauration au Ramesseum : bilan et
perspectives», Egyptology
at the Dawn of the Twenty-first Century. Proceedings of
the
Eighth International Congress of Egyptologists, Cairo 2000, vol.
3, Le
Caire, 2003, pp. 257-266 ; Chr. Leblanc, «Bilan de vingt campagnes
de recherches et d'études dans le temple de millions d'années de
Ramsès II à Thèbes-Ouest», Cahier
Suppl. des Memnonia,
n° 2, Le Caire, 2010, pp. 105-118 et pl. XV-XVII. (5)
Ouvrage mis en chantier avant la fin de l'an 2 du règne. Sur Penrê,
originaire de Coptos : cf. C. F. Nims, «A
stele of Penre, builder of the Ramesseum», MDAIK
14, 1956, pp. 146-149 ; S. G. Gohary, «The Remarkable Career of a
Police Officer», ASAE
71, 1987, pp. 97-100 et fig. 1 ; KRI,
III, 268-271 ; J.-C. Goyon, «Penrê, conducteur des travaux au
Ramesseum, et son étrange histoire», Memnonia
I, 1991, pp. 53-65; Chr. Barbotin, Les
monuments d'éternité de Ramsès II,
Paris 1999, pp. 33-34, [7] ; Chr. Leblanc, «Deux nouveaux "cônes
funéraires" au nom de Penrê, doyen des medjayou», Memnonia
XXII, 2011, pp. 95-103 et pl. XV-XVII. Pour Ameneminet, originaire
d'Abydos,
qui prit le relais sur le chantier : cf. KRI,
III, 272-277 ; J. Lipinska, «Amenemone, Builder of the Ramesseum», Études et Travaux,
3, 1969, pp. 42-49 ; J. Lipinska, Deir
el-Bahari IV,
Varsovie, 1984, p. 24 (cat. 18) et 37 ; M. Trapani, «Sur l'origine
de la statue-groupe de la famille d'Ameneminet, directeur des travaux
du Ramesseum. Naples inv. n° 1069», Memnonia
VII, 1996, pp. 123-137 et pl. XXXIV-XXXIX. (6)
M. Barwik, «Overseer of the Treasury Tia at Deir el-Bahari», Memnonia
XVIII, 2007, pp. 67-70 et pl. VII-VIII. Sur la tombe de ce
dignitaire, à Saqqarah, cf. G.-T. Martin, «The
Tomb of Tia and Tia : Preliminary Report on the Saqqâra Excavations,
1983»,
JEA
70, 1984, pp. 5-12 ; G.-T. Martin, The
Tomb of Tia and Tia. A Royal Monument of the Ramesside Period in the
Memphite Necropolis.
Egypt Exploration Society, Londres, 1997. Pour les autres monuments
connus : cf. J. Malek, «Two
Monuments of the Tias», JEA
60, 1974, pp. 161-167 ; K. Mysliwiec,
«Zwei
pyramidia der XIX.
Dynastie aus Memphis», SAK
6, 1978, pp. 153-155 ; KRI,
III, 366-372. (7)À
la XVIIIème
dynastie, un certain Amenemhat (règne de Thoutmosis III) est attesté
pour avoir occupé cette fonction (TT.182 = PM, TB,
I1,
p. 289). Le Pap. Turin inv. cat. n° 2021, rt.
4, 2, signale un prêtre-ouab,
Ptahemheb, également "scribe de la natte/du cadastre"
(fonction rattachée à la kenbet)
: cf. J. Černý et T. E. Peet, «A
marriage settlement of the twentieth dynasty», JEA
13, 1927, pl. XIV ; B. J. J. Haring, Divine
Households, p. 223).
Hori, «directeur
des greniers»
du temple de Ramsès III à Medinet Habou en l'an 7, cumulait sa
charge avec celle de sS n tmA
: cf. KRI,
VI, 601 et 627. (8)
Deuxième personnage de l'État, le vizir représentait le roi pour
la gestion administrative du royaume. La fonction fut dédoublée au
cours de l'époque ramesside. Paser (TT.106) occupa déjà
d'importantes charges sous le règne de Sethi Ier.
Il fut nommé vizir avant même que Ramsès II n'accède au pouvoir
et assuma cette tâche notamment pour la Haute Égypte. Encore en
poste lors du traité de paix avec les Hittites en l'an 21, il
adressa une lettre de félicitations à Hattousili III. Khay
(homonyme du gouverneur du Ramesseum) prit, semble-t-il, la relève
vers l'an 27/28. Neferronpet exerça également cette fonction sur le
Sud, vers l'an 57 du règne (sa tombe aurait été retrouvée à
Saqqarah, lors de fouilles menées entre 1984 et 1988 par
l'Université du Caire). La gestion du Nord fut assurée entre l'an
16 et 42, par un vizir du nom de Rahotep ou Parahotep (originaire
d'Abydos et maire de Memphis) et, vers l'an 52, par un autre, portant
le même nom, mais originaire de Sedment el-Gebel (maire et vizir de
Pi-Ramsès). Cf. W. Helck, Zur
Verwaltung des Mittleren und Neuen Reiches. Probleme der Ägyptologie
3, Leiden 1958 ; KRI,
I, 285-301 ; III, 1-36 (pour Paser) ; KRI,
III, 36-46 (pour Khay) ; KRI,
III, 47-51 (pour Neferronpet) et KRI,
III, 52-67. (9)
Sur les maires ou gouverneurs de Thèbes à l'époque de Ramsès II :
cf. W. Helck, Zur
Verwaltung des Mittleren und Neuen Reiches. Probleme der Ägyptologie
3, Leiden 1958 ; Chr.
Leblanc, «Un
fragment de statue naophore au nom de Païây, et les gouverneurs de
Thèbes au Nouvel Empire», Memnonia
XVI, 2005, pp. 72-74. On y ajoutera encore, pour ce règne :
Nefermenou (TT.184 = PM , TB
I1,
pp. 290-291 ; KRI,
III, pp. 162-163, 99) et Hounefer (TT.385 = PM, TB,
I1,
p. 437 ; KRI,
III, pp. 163-164, 100 ; A. Fakhry, «Three
unnumbered tombs at Thebes» ASAE
36, 1936, pp. 126-129 ; sarcophage Fitzwilliam Museum = KRI,
p. 164). (10) C'est, semble-t-il, à partir de l'époque ramesside, que la fonction de «scribe du nome» aurait été dédoublée : l'un étant affecté à l'est, l'autre étant préposé à l'ouest du territoire : cf. J.-C. Goyon, «Hori de Thèbes, loyal serviteur méconnu de Ramsès II et les "scribes du nome thébain" du Nouvel Empire. (Statue Cachette de Karnak K 647 et Groupe Louvre A.68-N.69)», Memnonia XXII, 2011, pp. 170-173. On
observera également que des échanges existaient entre les
différents temples de millions d'années : cf. B. J. J. Haring, Divine Households,
pp. 383-384. Au Ramesseum, des étiquettes et des bouchons de jarres
indiquent que de l'huile de moringa ou du vin pouvait
venir
de domaines appartenant au temple de Séthi Ier
en Abydos : cf. J.E. Quibell, The
Ramesseum, London
1896, pl. XI, 9-10 ; W. Spiegelberg, Hieratic
Ostraka & Papyri found by J.E. Quibell in the Ramesseum,
London, 1898, pl. XIX (141), XXI (168) ; G. Lecuyot, «À
propos de quelques bouchons de jarres provenant du Ramesseum», Memnonia VIII, 1997, pp.
107-118. (11) Cf. J. Berlandini-Grenier, «Le dignitaire ramesside Ramsès-em-per-Rê», BIFAO 74, 1974, pp. 18-19 ; W. F. Petrie, Six Temples at Thebes. 1896. London, 1897, pl. VIII-3 et p. 21, fig. 3 ; Chr. Leblanc, «Les grèves de l'an 29 de Ramsès III et la porte sud du Ramesseum», Memnonia XXII, 2011, pp. 105-117, et plus particulièrement pp. 115-117.
(12)
Sur l'école du Ramesseum, voir déjà : Ch.
Leblanc, «L'école du temple (ât-sebaït) et le per-ankh
(maison de
vie). À
propos de récentes découvertes effectuées dans le contexte du
Ramesseum», Memnonia
XV, 2004, pp. 93-101 =
Proceedings of the Ninth International Congress of Egyptologists.
Grenoble, 6-12
september 2004, Orientalia Lovaniensia Analecta 150,
Éd. Peeters, Louvain, 2007, pp. 1101-1108 ; Ch. Leblanc, «L’école
des scribes de Ramsès II», La
Recherche. L’Actualité
des Sciences, n° 379,
Paris, (octobre) 2004, pp. 70-74 Chr.
Leblanc, «L’éducation, la formation des scribes et les
institutions d’enseignement dans l’Égypte ancienne», Senouy.
Bulletin de l’Association dauphinoise d’égyptologie,
n° 6, Grenoble, (septembre) 2007, pp. 28-30 ;
Ch. Leblanc, «"Labet
el-al" ou
"bawawah"»
: un jeu d’adresse égyptien vieux de plusieurs millénaires",
dans Hommages à
Jean-Claude Goyon, BdE 143, Le Caire,
2008,
pp. 261-265 et fig. 1-6. (13)
Lors d'une commission d'enquête conduite vers la fin de l'époque
ramesside, un certain Pseny, prêtre-ouab
et gardien semble-t-il en poste au palais royal du Ramesseum, fut
questionné à propos de la disparition du cuivre des portes du
palais : T. E. Peet, The
Great Tomb-robberies,
pl. XXII (Pap. BM.10383 rt.
2, 4 et 5) ; B. J. J. Haring, Divine
Households, pp.
222-223. (14)
Pap. des Grèves de Turin, inv. cat. n° 1880 : cf. Chr. Barbotin,
dans Les monuments
d’éternité de Ramsès II, Paris
1999, pp.
38-39. Sur ce sujet, voir encore P. Vernus, Affaires
et scandales sous les Ramsès,
Ed. Pygmalion, Paris, 1993, p. 75 sq. (15) Sur les
oliveraies
et vignobles, propriétés du colosse «Soleil
des Princes»
du Ramesseum, cf. Y. Koenig, Catalogue
des étiquettes de jarres hiératiques de Deir el-Medineh,
fasc. I, DFIFAO
21/1, Le Caire, 1979, pl. 6 (n° 6051) et pl. 9 (n° 6079, an 7) ;
KRI,
II, 689, n° 311 ; G. Bouvier, «Le
contenu du magasin H'''34 du Ramesseum», Memnonia
XIV, 2003, pp. 63-68. Des livraisons d'huile d'olive ou de vin
provenant de domaines d'une autre statue du roi
(«Montou-dans-les-Deux-Terres»)
sont également attestées pour le Ramesseum : P. Tallet, «Les
circuits économiques selon les étiquettes de jarres de Deir
el-Médineh»,
dans G. Andreu (éd.), Deir
el-Medineh et la Vallée des Rois : La vie en Égypte au temps des
pharaons du Nouvel Empire. Actes du colloque organisé par le musée
du Louvre les 3 et 4 mai 2002,
Paris, 2003, pp. 266-268 ; G. Bouvier, Memnonia
XIV, 2003, p. 65. (16)
Pap. des Grèves de Turin, inv. cat. n° 1880 : cf. traduction dans
Chr. Barbotin, Les
monuments d'éternité de Ramsès II,
Paris, 1999, p. 39. (17) Cf. K.
A. Kitchen,
«The Vintages
of the
Ramesseum», Studies
in Pharaonic Religion and Society for J. Gwyn
Griffiths, Londres, 1992, pp. 115-123
; B. J. J. Haring, Divine
Households,
pp. 351-353. (18)
Un colosse de la mère de Ramsès II, de près de 9 m de haut, se
dressait dans la première cour, côté sud, près de celui de «Soleil
des Princes».
Il est actuellement en cours de remontage. Touy semble avoir partagé
avec Nefertari (grande épouse royale), un culte dans l'édifice
hathorique qui jouxtait la grande salle hypostyle du Ramesseum, côté
nord. Ce monument, interprété pour être un mammisi
(cf. Chr. Desroches Noblecourt, «Le
mammisi de Ramsès au Ramesseum», Memnonia I,
1991, pp. 25-46) est peut-être l'édifice auquel fait allusion le
Pap. BM. 10052, rt.
6, 3-6 (= KRI,
VI, 782, 1). Il reste également toujours à confirmer si c'est bien
à ce «mammisi»
qu'était affecté, à l'occident de Thèbes, un certain Youy, qu'une
stèle signale pour avoir été scribe royal mais surtout «gouverneur
du château de la grande épouse royale Nefertari Meritenmout»
(stèle Berlin n° 2080 = G. Roeder, Ägyptische
Inschriften, II, pp.
143-144; KRI,
III, 186, 7-8 ; Chr. Leblanc, Nefertari,
l'Aimée de Mout,
Monaco, 1999, p. 41 et n. 42). Si la propriétaire de ce temple est
bien la grande épouse royale de Ramsès II, on voit mal où il
aurait pu être aménagé sinon dans le périmètre du Ramesseum. (19)
Plusieurs blocs du calendrier des fêtes du Ramesseum ont été
réutilisés dans les additions ptolémaïques du petit temple de
Medinet Habou : cf. H. H. Nelson et U. Hölscher, «Work
in Western Thebes 1931-33», OIC
18, Chicago 1934, pp. 25-29 et fig. 11 ; H. H. Nelson et
alii., Medinet Habu
III, OIP 23, The
Calendar, The "Slaughterhouse", and the Minor Records of
Ramses III, Chicago,
1934, pl. 187-189 et 190. Un autre bloc appartenant à ce même
calendrier a été retrouvé au Ramesseum, en 2011, le long du
bas-côté sud du temple. On y lit une énumération de quatre
variétés de vins que l'on devait verser en offrande à l'occasion
de réjouissances solennelles. Voir encore B. J. J. Haring, Divine
Households, pp. 54-63. (20) Sur ces
grandes
voies processionnelles qui entouraient le Ramesseum, cf. G. Lecuyot, «Que
cache le cavalier de déblais du Ramesseum ?
», Memnonia
I, 1991, pp. 109-118 et pl. XXIII-XXV ; M. Nelson, «L'allée
processionnelle nord du Ramesseum», Memnonia
XXII, 2011, pp. 119-131 et pl. XXIV-XXXIV. (21)
Cf. R. Ventura, Living
in a City of the Dead, OBO
69, Göttingen 1986, p. 93 et n. 53 ; P. Grandet, Ramsès
III. Histoire d'un règne,
Paris, 1993, p. 226 ; KRI,
V, 561, 3-4 = A.207 (ODM 687). Piaÿ semble avoir été en fonction
entre les années 16 et 26 de Ramsès III. (22) Cette «salle des requêtes» (cf. Wb. II, 293, 10) fut le lieu d'une remise de cuivre à l'institution de Deir el-Medineh (cf. Pap. Turin cat. 1884 + fragments Pleyte et Rossi, pl. 76, 1-2 et 7). À cette époque, il n'était pas rare de procéder à la distribution de matériaux en guise de rations ou salaires pour les artisans. Cf. Pap. Turin cat. 1903, v° II,12 ; D. Valbelle, «Les ouvriers de la Tombe». Deir el-Médineh à l'époque ramesside, BdE 96, IFAO, Le Caire, 1985, pp. 149-150 et n. 1, 152.
(23)
Sur ces événements, cf. P. Vernus, Affaires
et scandales sous les Ramsès,
Paris 1993, pp. 47-49. (24)
Si plusieurs des successeurs de Ramsès II (notamment Merenptah,
Amenmès, Ramsès III jusqu'à Ramsès VI) ont laissé leurs noms
dans l'édifice, suggérant que le Ramesseum continuait à assumer
ses activités économiques et religieuses, il semble bien que ce
soit à la fin de l'époque ramesside et au début de la Troisième
Période Intermédiaire que furent entrepris les premiers
démantèlements. Lors de la transformation des lieux en nécropole à
la XXIIème
dynastie et peut-être même un peu avant, plusieurs concessions
funéraires furent établies dans le temple proprement dit, dont les
murs étaient encore debout. Sans doute préparées pour des membres
du haut-clergé thébain, elles furent aménagées dans les chapelles
latérales du sanctuaire et dans celles des bas-côtés sud et nord
de la salle hypostyle. Sur les voies processionnelles entourant le
temple, les dromos furent, en revanche, détruits pour laisser place
à d'autres tombes, notamment au moment où la nécropole s'étendit
vers le nord et vers l'ouest. Durant les XXVème
et XXVIème
dynasties, on vint chercher des matériaux au Ramesseum pour
construire les chapelles funéraires des divines adoratrices
implantées sur le parvis du temple de Ramsès III à Medinet Habou :
plusieurs jambages de portes au nom de Ramsès II, arrachés aux
portes des magasins, ont servi à dresser les murs de ces édifices.
Au cours de la XXIXème
dynastie, de nouveaux besoins de blocs entraînèrent la démolition
du «mammisi»
pour agrandir le petit temple périptère de Medinet Habou. Plus
tard, ce fut au tour des Ptolémées de puiser dans les pierres du
Ramesseum : le premier pylône, sans doute en partie déjà effondré,
comme les murs périmétraux du temple proprement dit et le palais
royal, furent autant de secteurs où l'on récupéra des blocs pour
bâtir le temple d'Hathor-Maât à Deir el-Medineh (Ptolémée IV,
Ptolémée VI) et entreprendre de nouvelles extensions à Medinet
Habou (pylône inachevé de Ptolémée VIII). À l'époque romaine,
on continua ces démantèlements pour mettre en oeuvre, sous le règne
d'Antonin le Pieux, l'agrandissement du temple ptolémaïque de
Medinet-Habou. Des blocs provenant du Ramesseum furent également
utilisés pour les fondations du temple d'Isis et de Montou à Deir
el-Chelouît (datant de l'époque des empereurs Galba, Othon,
Vespasien, Domitien, Hadrien et Antonin). Enfin, il semble que ce
soit à l'époque romano-byzantine, puis encore au Moyen Âge que
d'autres carriers vinrent, cette fois, chercher, outre le grès, le
calcaire qui avait servi à la fondation des murs : une grande partie
de ces énormes blocs qui comblaient les tranchées du sanctuaire
disparurent ainsi pour alimenter les fours à chaux. En somme, seul
le coeur du temple échappa, en partie, à ces destructions
successives. * Texte © Christian LEBLANC [CNRS].
Publication plus développée dans : Memnonia, tome XXIII, Le Caire 2012, pp. 81-98 et pl. XV-XVIII. |